Le 7 octobre nous avons présenté à Bruxelles le projet de 100 sessions plénières du Parlement européen votées par des personnes sans représentativité. Nous en avons profité pour mettre une affiche sur la «scène» pour que Catalogne puisse voter sans l’intervention violente de la policie. Après quelques votes, Madame Karine Lalieux, qui nous avait invités à faire ce projet lors de la Nuit Blanche 2017, nous a invités à enlever l’affiche. Après de nombreuses négociations, l’affiche est disparue. Pour protester contre cette “interférence” dans le spectacle, nous avons envoyé Madame Lalieux et aux responsables du “festival” la lettre suivante:

 

Chère Madame Karine Lalieux,

Le samedi 7 octobre, vous avez fait irruption dans le spectacle que nous jouions au Parlement pendant la Nuit Blanche, et une affiche intitulée « Llibertat d’expressió a Catalunya! » a été retirée. N’étant pas moi même sur les lieux, je n’ai pas pu répondre à votre attaque contre la « Liberté d’expression en Belgique ». Je profite de cette lettre pour le faire:

Selon ce qui m’a été rapporté, l’un des premiers arguments que vous avez brandi pour la suppression du panneau était qu’il était sur l’estrade des orateurs et que, dans cette position, il semblait que le parlement même soutenait « la cause ». Je ne sais pas pourquoi le parlement dans lequel vous siégez ne pourrait pas soutenir un slogan aussi innocent, mais je n’ai pas l’intention de remettre en question les décisions de la Chambre. Ce que vous semblez ignorer est que, à ce moment-là, le Parlement a été utilisé comme un théâtre et que l’ensemble du public savais que, aussi bien l’écran vidéo comme le panneau qui nous occupe faisait partie des élements de scène de la pièce. Je vous rappelle également que l’affiche était ecrite à la main sur un carton d’emballage. Même le plus innocent des spectateurs ne pouvait le confondre avec un message institutionnel. C’était indubitablement le message d’un individu. Ce qui distingue précisément les théâtres des Parlements, c’est que, dans les premièrs, la voix libre des individus est entendue, alors que dans les parlements c’est la voix des collectivités qui doit être préservée. Si vous croyez vraiment à l’inviolabilité du Parlement, pourquoi vous vous êtes autorisée de pénétrer dans un théâtre ?

Ou peut-être ce qui était intolérable pour vous, ce n’était pas tant le message lui-même mais sa forme : que dans le parlement, la parole ne représente pas une force politique mais qu’elle ai la forme de la parole « sauvage » d’un citoyen. Et encore plus s’il était étranger. Il est bien connu que les parlements sont allergiques à tout ce qui est hors de leur juridiction.

La compagnie a ensuite accepté de déposer le panneau hors de son lieu d’origine, et le mettre sur une table au niveau du sol. Ce n’était pas suffisant. Le nouvel argument que vous avez brandi pour concilier les deux usages de la Chambre: celui institutionnel et celui artistique, est que le public se plaignait. (Pour une raison quelconque, vous avez eu la gentillesse de détailler leur « nationalité » : trois spectateurs espagnols et trois flamands). Certains étaient contre un panneau écrit en catalan (!) et d’autres que celui-ci revendique la liberté d’expression. Je ne doute pas de la légitimité de la plainte des spectateurs. Ce qui me surprend, c’est qu’une personne dédiée à la politique comme vous ai décidé de censurer un spectacle parce que 6 spectateurs parmis les 1784 voulaient le faire.

Vous, par l’intermédiaire de la Mairie de Bruxelles, vous m’avez invité à faire un spectacle à la Chambre des Représentants. Peut-être vous avez imaginé que ce serait une autre des cérémonies du consensus auxquelles les célébrations institutionnelles nous ont habitués. Une célébration œcuménique qui fait l’éloge les bienfaits de l’Europe du cynisme. Vous vous êtes trompée d’artiste ou, plus grave encore, vous avez confondu vos responsabilités dans le cadre d’un spectacle théâtral.

Ironie du sort, Power Games était le titre de la Nuit Blanche cette année. Mais la vérité désagréable ce montre: Les Games disparaissent dès que le Power arrive.

 

La lettre n’a jamais reçu de réponse.