Photo: Blenda, 2012

Roger Bernat creates devices in which the audience shapes the performance. His projects have been performed in more than 30 countries.

His best known projects are Domini Públic (Teatre LLiure, Barcelona, 2008), The Rite of Spring (Teatro Milagro, México, 2010), Please, Continue (Hamlet) (with Yan Duyvendak at Théâtre du Grütli, Genève, 2011), Pendiente de voto (Centro Dramático Nacional, Madrid, 2012), Desplazamiento del Palacio de La Moneda (STML, Santiago de Chile, 2014), Numax-Fagor-plus (KunstenFestivalDesArts, Bruxelles, 2014), We need to talk (Temporada Alta, Girona, 2015), No se registran conversaciones de interés (MUCEM, Marseille, 2016-17), The place of the Thing (Documenta 14, Athens-Kassel, 2017), ENA (with Mar&Varvara at Teatre Lliure, Barcelona 2020) or Pim pam (34 Biennal Sao Paulo, 2021).

In 2009 he published with Ignasi Duarte, Querido Público, El espectador ante la participación: jugadores, usuarios, prosumers y fans. Ed. Cendeac. He has also written articles for Joined Forces, audience participation in theatre (Alexander Verlag, Berlin, 2017) and Teatro relacional (Ed. Fundamentos, Madrid, 2017), among others.

 

SOME TEXTS ABOUT US:

ROGER BERNAT by Paul B. Preciado (Documenta 14, 2017)

First, imagine a theater with no actors. Now get rid of the stage. Then take out the walls and the chairs. What remains? The audience—a public confronted, as in a mirror, with itself, no longer able to escape by simply consuming the play being performed; a public whose relationship with theater can no longer be anything but an act of cannibalism, the consumption of their own dramatic condition.

In 2008, theater artist Roger Bernat created Domini Públic (Public Space), a show in which those attending are presented with headphones and guided by instructions relayed so that they “act” among the pedestrians crossing a square. Rather than pandering to a fiction of a category of actors distinct from the rest of us, the piece isolates its participants and confronts them with the responsibility of having to perform, while also constructing an ephemeral social architecture. In Númax-Fagor-Plus (2014), Bernat stages a reenactment of the workers’ assemblies at the Spanish Númax and Fagor factories in 1979 and 2013, respectively, using declarations from the former struggle as theatrical protocols for workers who lost their jobs in the latter. Perhaps the most ambitious of his proposals, as much for its genealogical importance as for its scale, is Displacement of La Moneda Palace (2014), in which social and neighborhood organizations in Santiago transported a small-scale model of La Moneda—the icon of democratic possibility damaged during the 1973 Chilean coup—to the lowest per capita income area of the city. The mobile stage accompanying it gave onlooker-participants the chance to voice their concerns without preconception, turning them into actors for an unwritten scenario. Here, expanded theater becomes a far-reaching device for an audience destined to perform (or fail to perform) history.

Bernat’s work provokes a dissolution of drama, but that dissolution is also a generalization of the theatrical device. There is no theater because theater is everywhere. That generalized form becomes a critical tool at the paradoxical crossroads of the crisis of representative democracy, when new modes of interchange and knowledge production, fostered by horizontal technologies that erase the positions of emitter and receiver, contend with the return of fascist fantasies of unmediated access to communal truth. As Bernat states, “Democracy is not just a form of government, but a way of representing reality.” Taking a lead role in this scenario, participatory theater “takes on the responsibility of developing a critique of the devices—screens, platforms, networks—which run things today.”

 

THÉORIES DE LA RELATIVITÉ (extraits) par Roberto Fratini, 2014

La recherche de Roger Bernat constitue le cas presque unique d’une véritable « poétique de la participation ». De Domini Public à Numax-Fagor-plus, Bernat traverse tous les cadres et les règles de l’interaction, réorganise les instruments du temps et de l’espace et transforme avec une simplicité extraordinaire les conditions performatives, sans jamais renoncer à décliner l’interaction, à la pervertir (dans le meilleur sens du mot), afin de faire de l’interaction la circonstance critique et symbolique qu’elle avait dû être aux origines. Bernat transforme les techniques de l’engagement du public, traditionnellement basées sur des processus de type psychologique ou émotionnel, en de véritables technologies : re-pensée éthique des paradigmes de l’interaction. Si la norme technique est la production de la sincérité, l’exception technologique – la perversion poétique mise en scène par Bernat – démasque systématiquement la sincérité. Si le spectacle de participation doit fonctionner comme un dispositif, les dispositifs utilisés par Bernat sont toujours le produit d’une relecture des instruments médiatiques, instruments qui sont le résultat d’une révision des technologies actuelles qui se veut formellement neutre et désincarnée. Révision qui, sémantiquement, est faussement neutre. Les dispositifs sont donc utilisés pour démontrer que le lieu de la sincérité est à priori dégradé par un sorte de fausseté structurelle qui est la nécessaire maladie primitive et le privilège dialectique de n’importe quel théâtre. Pour le spectateur, habiter ce lieu est une tache épineuse, parfois douloureuse. Il n’y a pas de conscience si la conscience n’est pas piégée.

Temps difficiles pour le public : une fois achevée les métaphores communautaires, le spectateur redevient (tragiquement) soi- même, conscient d’être symbole ou métaphore de la vérité parce que la scène qu’il a en face, de plus en plus vide, de moins en moins « persuasive », a renoncé à être le symbole ou la métaphore d’une mensonge. La participation fait problème en soi. Le rituel échoue précisément pour démontrer qu’à un niveau éthique l’échec ou la perversion des dynamiques communautaires est nécessaire pour développer une conscience réellement sociale. En plus, au niveau poétique, le spectateur participatif, laissé seul à écrire son rôle de spectateur, est le dernier Hamlet d’une longue généalogie du doute. Pour cette raison, si les formes et l’inefficacité performative de ce spectateur – les « insuffisances » de sa prestation – constituent une sorte de réduction poétique (au contraire, le fait de mal faire semblant serait une nouvelle confirmation de la miraculeuse contribution à la vérité représentée par sa présence), dans le théâtre de Roger Bernat cette inefficacité même est le moteur d’une nécessaire, hamletienne, prise de conscience des possibilités et des impossibilités implicites au statut de spectateur, citoyen, humain. Si le format de la participation cherche en général à éliminer, à ignorer ou à sous-estimer tout ce qui empêche l’expérience d’un absolu, d’une immersion totale et médiumique (qui s’avère, malheureusement, totalitaire et médiatique), Roger Bernat invite le spectateur à une véritable théorie de la relativité, à l’expérience poétique et pas toujours consolatoire de l’insuffisance et du doute. Le moment politique du théâtre commence justement ici. Dans le fait de savoir que la liberté dépurée du nouveau spectateur ne réside pas dans la liberté de choisir (qui est, finalement, la plus puissante des idéologies de la société de consommation et le piège de l’interactivité médiatisée), mais dans la nature éthique de ce qu’il choisit. Et aussi que faire le bon choix, ou le moins nuisible, est la plus lourde des responsabilités poétiques.