Foto: Blenda

Première: KunstenFestivalDesArts (Brussels, mai’14) & Festival Grec (Barcelona, juillet’14)

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En 1979, après deux ans et demi d’autogestion, les travailleurs de l’usine barcelonaise d’électroménagers Numax décident abandonner l’entreprise et de s’inscrire au chômage. 34 ans plus tard, en 2013, la coopérative basque d’électroménagers Fagor ferme ses portes, laissant ses travailleurs sur le pavé. Comme en un reenactment de la bataille de Waterloo, les travailleurs de Fagor reconstituent l’histoire des travailleurs de Numax.

Loin d’être la mise à jour charismatique d’une bataille gagnée ou perdue, Numax-Fagor-plus est la collectivisation d’un discours, la mise au point d’une bataille qui, bien évidemment, n’a jamais pris fin. Le discours appartient encore à tout le monde et, pourtant, lorsqu’on reprend les mots de la revendication, on s’aperçoit qu’on est incapable de s’en souvenir. C’est la parole qui se souvient de nous tous.

 

L’histoire : Époque de transition, par Pablo González Morandi 

NUMAX, 1979

Amnistie pour les travailleurs / Réembauche des licenciés / Avant ils nous réprimaient, maintenant ils nous répriment et nous enlèvent notre travail / Solidarité avec les travailleurs / Amnistie, liberté, statut d’autonomie / Pour une sortie de crise favorable aux travailleurs / Un peuple uni ne sera jamais vaincu / Non aux libres licenciements / Liberté syndicale, droit de grève / Non au Pacte de la Moncloa / Vive la classe ouvrière 

C’est dans ce contexte que le cinéaste Joaquín Jordá a réalisé Numax presenta… (1979), un documentaire relatant l’expérience d’un groupe de travailleurs qui, durant deux ans, a collectivisé et autogéré l’usine d’électroménager Numax de Barcelone. Le documentaire fut initié par l’Assemblée des Travailleurs, laquelle décida, alors proche de sa propre fin, d’y investir les dernières 700.000 pesetas de la caisse de solidarité afin de laisser une trace du processus de lutte dans laquelle elle s’était investie. Comme les travailleurs étaient également les producteurs, un comité de censure ouvrier fut chargé de contrôler le tournage d’une semaine. Jordà se souvient que « heureusement, comme nous tournions la nuit, ils tombaient rapidement endormis sur le sol et nous les réveillions lorsque nous avions fini. »

La scène finale décrit une fête pendant laquelle s’expriment les espoirs de quelques-uns des ouvriers : devenir instituteur, aller vivre à la campagne, ne plus être exploité par des patrons ou, carrément, ne plus jamais travailler. De tels désirs furent mal reçus par les syndicats et les partis ouvriers parce qu’ils n’y voyaient aucune exhortation à la lutte ouvrière. Ainsi, le film tomba dans l’oubli pendant des années. 

FAGOR, 2013

Démocratie réelle maintenant / Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers / Arrêtez les expulsions / Non, non, ils ne nous représentent pas / Descendons dans la rue / Ils l’appellent démocratie, mais c’est faux / Pas assez de pain et tant de chorizos (voleurs) / La vraie violence, c’est d’être payés 600 euros / Non aux coupes budgétaires / Démocratie 2.0 / Jeunesse sans futur, sans maison, sans boulot, sans peur / Erreur du système, réinitier / Nous ne paierons pas leur crise 

C’est dans ce contexte que, le 13 novembre 2013, l’usine Fagor Electrodomésticos a dû se déclarer en faillite et mettre à la rue quelque 1800 travailleurs. Fondée en 1956, la Mondragón Corporación Cooperativa (MCC) est aujourd’hui la plus grande coopérative au monde ; elle regroupe 110 coopératives qui se consacrent à divers secteurs et emploient plus de 80.000 personnes.

La chute de Fagor, le vaisseau amiral de la MCC, a provoqué un grand drame personnel et social dans toute la vallée de Mondragón. Lorsqu’on écoute les travailleurs, on a l’impression qu’ils s’éveillent d’un long rêve et se retrouvent en état de choc. Pour bon nombre d’entre eux, la fermeture de l’usine n’a pas seulement signifié la perte d’un emploi et le capital investi comme membre, mais également l’effondrement d’un modèle social, d’une alternative au système capitaliste en laquelle tous croyaient fermement. « Ici, il y avait des idées, un état d’esprit. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une entreprise parmi d’autres, comme McDonald’s » raconte tristement un ouvrier.

À l’heure actuelle, l’espoir d’être engagé dans une autre entreprise du groupe MCC a donné naissance à un certain individualisme qui, ajouté à l’absence de tradition syndicale (due au fait que les travailleurs-membres sont propriétaires de l’entreprise), semble avoir découragé toute contestation. Seule une minorité, très critique par rapport à la gestion de la direction, reste mobilisée pour la défense de ses emplois. 

PLUS 

Entre ces deux expériences de lutte ouvrière, 35 ans ont passé.  En chemin, alors que le pays a connu une de ses périodes les plus florissantes au niveau économique, beaucoup de choses ont changé. L’usine en tant qu’espace de lutte politique a disparu, pratiquement plus personne n’ose utiliser le mot « prolétariat » en public, et les symboles ouvriers n’ont plus de signification que pour quelques nostalgiques. De fait, on ne voit plus les ouvriers descendre dans la rue, peut-être, comme le disait l’écrivain Pérez Andujar, parce qu’on les cache et les travestit en consommateurs. Bien que le discours se soit radicalement modifié, les usines existent toujours, et travailler à la chaîne de montage, c’est toujours travailler à la chaîne de montage. Et l’exploitation… Que dire de l’exploitation ! 

 

PRESSE EXTRAITS

Puissant et fragile: Soudain les spectateurs-acteurs s’identifient réellement à leur rôle dans le drame ouvrier. On les voit réfléchir à leur responsabilité individuelle au sein du collectif. Et cela à deux niveaux: responsabilité dans l’histoire racontée et responsabilité en tant qu’interprète de cette histoire. Simplement en lisant les mots inscrits sur un écran. Cela révèle la force et la vulnérabilité d’un collectif, lui donne corps. On ne pourra plus dire que le théâtre n’est qu’illusion. Pieter T’Jonck, De Morgen (Belgique), 21.05.2014

Une sorte de karaoké théâtral et politique d’autant plus stimulant qu’il retraverse 30 ans d’histoire socialeRené Solis, Libération (France), 22.05.2014

l’expérience donne du grain à moudre quant aux questions de collectif et de dynamique de groupe en offrant une seconde vie aux paroles de lutte. Salomé Frémineur, Karoo. (http://karoo.me) 19.05.2014

Bernat, aparentment de manera ingènua (i amb el ganxo de les acotacions entre parèntesi que aporten comicitat a un tema aspre), planta moltes preguntes als seus oients/actors. La gent s’hi implica, entre divertit i militant. És una espurna, un crit en una època de tant soroll eixodador amorf. Jordi Bordes, el punt avui, 17.07.2014

Numax-Fagor-plus és el treball més reeixit de Roger Bernat des que va centrar la seva feina en el que podríem anomenar teatre sense actors o, per ser més precisos, un teatre on els intèrprets són els espectadors. Numax-Fagor-plus és un teatre-document d’agitació social (..) que té la virtut de qüestionar i esperonar-nos, sense renunciar a l’autocrítica. Santi Fondevila, Ara (Catalunya) 15.07.2014

(Un) espai desdibuixat que dóna peu a l’espectador a treure les seves pròpies conclusions, reflexions o simplement l’experiència divertida d’un espectacle diferent perquè aquí no es donen lliçons de res, gran encert del muntatge. Com si es tractés d’obtenir la refotografia perfecta, però no amb l’espai sinó amb els protagonistes. Teresa Ferré Notes d’escena, 16.07.2014

Més que un espectacle, Numax-Fagor-Plus és una experiència col·lectiva de teatre document. Aída Pallarès. nuvol.com 14.07.2014

Œuvrant sans cesse entre manipulation du public et mise en évidence de vérités latentes, Roger Bernat nous invite à une réflexion incarnée sur le capitalisme industriel et sur le rythme écrasant qu’impose ce dernier aux êtres humains qui en composent la base.(…) Mais n’est-ce pas là la vertu de cette pièce que d’obliger le spectateur à faire sien, au-delà de ces intérêts individuels, à l’un des problèmes majeur de notre société ? A savoir l’aspect prédateur d’un capitalisme industriel et financier qui laisse sur le carreau des ouvriers dont nous connaissons souvent mal la situation. Quentin Guisgand, http://inferno-magazine.com, 26.09.2014

 

Le théâtre : Ex Opere Operato, par Roberto Fratini

En un certain sens, la reconstitution historique – Gettysburg, Waterloo, etc. – représente la version démocratisée des nombreux panoramas et tableaux vivants qui, au XIXe siècle, ont habitué les foules issues de la Révolution industrielle à leur propre malaise. Etant donné que l’objectif poursuivi par l’historicisme du XIXe siècle était de pouvoir convertir l’histoire en un objet de divertissement, il était inévitable que le seul moyen d’accomplir le consummatum est fût de l’actualiser et de le reformuler, et simultanément de garantir à un public en constante expansion de pouvoir s’y reconnaître.

Ce n’est pas un hasard si le siècle des tableaux vivants fut aussi celui de l’âge d’or  du figuratif : la possibilité pour les citadins anonymes d’apparaître dans la fiction artistique d’un événement historique.

On pourrait dire que le silence politique, l’inaction d’une multitude encore étrangère à la perspective d’organiser son propre discours et de se donner une voix, a sublimé son reflet dans l’action pure, dans l’apparition et la figuration où son présent se retrouvait travesti sous tout l’attirail du passé : le passé était converti en une source inépuisable de poésie épique bon marché, d’héroïsme participatif et de frissons d’époque.

L’éternité de la grande Histoire se réécrivait dans les registres de la réitération. Après avoir été passée en revue et avoir défilé dans les tableaux vivants des masses, l’histoire ne montrait plus rien, elle se montrait. Il n’est guère surprenant que, aujourd’hui comme alors, le référent dont on abuse le plus dans le domaine de la reconstitution historique soit la scène de bataille : aucun autre thème n’est aussi étranger à la dialectique, aussi proche du charisme de l’action pure, d’une absence de parole convulsée ; dans aucun autre thème, la multitude ne se montre aussi active, d’un côté, et n’est aussi anonyme et sacrifiable de l’autre ; aucune autre scène n’offre une occasion aussi généreuse d’actualiser esthétiquement, dans des scènes héroïques, les massacres anti-esthétiques de l’histoire militaire.

Imaginons maintenant une reconstitution dont le thème soit la lutte ouvrière, qui ait, en définitive, un objectif plus explicitement politique et conflictuel, et dont l’action envisagée peut s’organiser, se structurer et se décider à travers le discours. Au niveau de l’usage public de la parole, le discours et la dialectique se trouvent aux antipodes de l’ordre et du commandement, d’un côté, et du silence obéissant, de l’autre. En s’appliquant aux protocoles de la lutte ouvrière et syndicale en tant qu’action, une telle dialectique parvient à éviter que le seul synonyme de action soit le conflit armé. Ainsi, nous serions à des années-lumière de la docilité silencieuse, de la passivité décorative des multitudes à l’intérieur du cadre historique. Le défi principal de la classe ouvrière a toujours été de pouvoir élaborer une voix qui puisse être collective sans devenir ni anonyme ni onomatopéique. Ainsi, l’assemblée ouvrière se convertit en reflet linguistique et autodidacte de la condition ouvrière, c’est à dire le lieu où la conscience de sa propre condition est ce qui permet, à son tour, de « poser des conditions ». On pourrait dire que cette forme du discours, basée sur une solidarité pragmatique, est déjà en soi un reenactment : non l’actualisation charismatique d’une bataille gagnée ou perdue, mais la mise au point, la continuité et le non-accomplissement d’une bataille qui, évidemment, ne s’est jamais terminée. 

La lutte ouvrière a été capable de découvrir, organiser, lexicaliser sa voix par des protocoles, et parfois par des rituels dialectiques, lui permettant ainsi de continuer à réinventer son actualité. La vérité dialectique qui jaillit de l’urgence de la lutte déploie son potentiel d’objectivité, son bon sens public, son intemporalité, précisément au moment où elle se réactualise par une voix autre, une voix qui récupère son héritage et se limite à le transmettre, à le porter, dont l’effort ne consiste pas à sublimer l’actualité du texte par une interprétation convaincante, laquelle seule garantirait sa reviviscence, mais plutôt à souligner dans le présent que les mots ont conservé leur validité précisément parce que le fait de les prononcer a déjà été, en temps utile, un acte de séparation, d’émancipation entre le corps et le discours, entre le contingent et le général. Ou, si l’on préfère, une liturgie.

Bien avant que la théologie protochrétienne n’associe ce mot aux fonctions du culte et à son protocole particulier d’action gestuelle et verbale, leiturgia renvoyait, chez les Grecs anciens, à tout type d’action qui poursuivait des fins et des intérêts de type public : il s’agissait d’un service qu’il fallait rendre à la collectivité et dont les citoyens devaient se charger suivant un ordre préétabli. Les œuvres  impliquaient une nécessité ou un bénéfice qui allait bien au-delà de l’intérêt spécifique ou de l’identité de celui qui les exécutait. Même dans la sphère religieuse du culte, la liturgie, qui n’est autre que la réactualisation d’un mystère, fait totalement abstraction de l’identité ou de la sincérité de l’officiant : le ministère ne perd rien de sa valeur même lorsqu’il est exercé par le pire des curés. L’assemblée sacrée ne perd rien de sa valeur même si chacun de ses membres est un pêcheur impénitent. En outre, le ministère qui consiste en une représentation du mystère en tant que fait accompli, de la rédemption en tant qu’acquise et simultanément actuelle, ne peut se concevoir que sous les formes opératives ou opérationnelles du geste et de la parole qui reviennent, inlassablement, à jouer l’écriture. 

Peut-être est-il exagéré de croire que la lutte ouvrière a été la réécriture dialectique et laïque d’une promesse de bonheur ou de salut qui, durant des siècles, s’est objectivée sous les formes explicitement cérémoniales du culte et qui, aujourd’hui, a trouvé dans la dialectique sa propre liturgie, son propre officium public : un espace de salut et de liberté dans l’immanence du présent et dans un futur qui n’est plus transcendant. On ne peut nier que, dans sa construction d’une dramaturgie du débat, on trouve l’héritage de la liturgie au sens classique : l’idée que la promesse d’une liberté factuelle future n’avait de sens que si la liberté existait déjà, c’est à dire si cette liberté était un fait accompli par la conscience ouvrière; et l’idée que, tout comme l’autorité morale et politique de la classe ouvrière se basait sur la connaissance profonde, la propriété morale des moyens de production et de l’opération qui les rendait productif, le lieu où s’expérimentait en soi la liberté potentielle, où elle était agie comme déjà effective, était l’opération du discours, la construction, l’enclenchement d’un dispositif de liberté commune. 

Si nous pouvons espérer, à travers une nouvelle idée de reenactment, que ce passé puisse être imaginé comme toujours présent par l’opération du discours, c’est parce qu’il a été en son temps, par cette même opération discursive, un futur imaginé comme déjà présent. 

La reconstitution de l’assemblée des travailleurs offre aux spectateurs la possibilité d’emporter le discours et les discours dont était imprégné, il y a 25 ans, le débat interne d’une assemblée des travailleurs qui se confrontait dialectiquement à la question dialectique de décider si la forme pratique de son émancipation n’avait pas fini par se convertir en une nouvelle forme d’oppression.

C’est sur cette base, sur cet acte qui était déjà un acte complexe de re-connaissance du moi, dans lequel l’ouvrier suspectait avoir conservé la voix, le langage et les aspirations du maître, qu’intervient la reproduction par les spectateurs, invités à pratiquer leur auto-reconnaissance, c’est à dire à entendre les paroles autres dans l’incongruité, dans la distance chronique et esthétique de leur propre voix, en mesurant si possible la capacité de persuasion de ces paroles au-delà de quelque « prise de parole » que ce soit. La collectivisation des moyens de production se convertit en une collectivisation du discours, d’autant plus forte que celui qui le prononce n’est pas persuasif en soi, ne se convertit pas en ce qu’il dit être, et ne s’écoute pas lui-même avec moins de perplexité que ceux qui l’écoutent. En parlant, il n’est ni menteur ni sincère, mais il dit la vérité. Et comme souvent dans ce cas, la vérité parle par et pour lui. Le discours appartient encore à tout le monde car, étant discours, il n’est la propriété de personne. Tout ceci permet de réécrire sous une forme radicale la substance mémorielle de la reconstitution : en reprenant par/pour les autres la parole que les autres ont reprise par/pour nous au sein du forum de revendication, ce n’est pas nous qui nous la rappelons. C’est la parole qui nous rappelle à nous-mêmes.

 

Le projet,  par Roger Bernat

Il y a environ un an, l’artiste Jordi Colomer m’a proposé de présenter une pièce dans le cadre d’une exposition organisée par le Frac Basse-Normandie à Caen. A ce moment-là, j’écrivais une pièce pour une interprète et un public où l’une et l’autre menaient un dialogue qu’ils ignoraient précédemment. Ce dialogue, c’était la reconstitution historique des assemblées de Numax, dans le style des reconstitutions. À la différence des reconstitutions historiques de grandes batailles ou du fameux reenactment de la Bataille de Orgreave de Jeremy Deller, au lieu de recréer les mouvements des protagonistes, il s’agissait ici de recréer leurs paroles, lesquelles constituaient en vérité la véritable action d’occuper l’usine, le seul acte au niveau duquel ça faisait politiquement sens d’obliger le public à le répéter, ce public qui venait voir une performance.

Des mois plus tard, à cause de la crise qui a dévasté le Sud de l’Europe, nous avons retrouvé dans les usines de toute l’Espagne des situations comme celles que nous avions reproduites dans le musée. Des travailleurs expulsés par le système tentaient de reprendre en mains leur destin, de la même manière que ceux de Numax. En novembre 2013, à cause de la fermeture de Fagor, une usine d’appareils électroménagers comparable à Numax, nous sommes allés à Mondragón pour inviter les ouvriers et les ouvrières licenciés à exécuter un reenactment de Numax. Les travailleurs ont profité de notre invitation pour organiser une assemblée improvisée que nous avons filmée avec des caméras comme celles de Joaquim Jordà en son temps. Bien que ce fût la plus grande assemblée organisée depuis la fermeture, à peine 80 travailleurs sur les 1800 licenciés 3 mois plus tôt y participèrent.

De retour à Barcelone, nous avons décidé d’inviter les anciens travailleurs de Numax à exécuter le reenactment des assemblées qu’ils avaient eux-mêmes organisées 35 ans auparavant et à être les témoins de l’assemblée des travailleurs de Fagor que nous venions de filmer. Quelques-uns des anciens de Numax étaient décédés, d’autres ont préféré ne pas se rappeler cette époque ou, simplement, ils étaient à présent trop âgés ou vivaient trop loin pour accepter une telle invitation. En tous cas, le groupe a conservé une grande cohésion et une vingtaine d’entre eux a fini par venir.

Tant l’expérience avec les ex-travailleurs de Fagor que celle avec ceux de Numax amènent une mise en abyme qui nous confronte à une trahison. Personne ne se reconnaît dans les paroles de ses prédécesseurs. Ceux de Fagor ne se reconnaissent pas dans les mots de ceux de Numax. Les anciens de Numax ne se reconnaissent pas dans les mots des travailleurs de Fagor. Ils ne se reconnaissent même pas dans leurs propres mots d’il y a 35 ans. Le film de Jordà en a fait des héros, les protagonistes d’un ensemble sculptural, d’une œuvre épique très particulière, et il est très difficile de se reconnaître dans un héros si l’on n’est pas un peu fou. Cependant, toutes ces paroles, celles de Numax, celles de Fagor et celles du dialogue que nous avons organisé après la rencontre avec les anciens de Numax résonnent encore puissamment. Elles circulent, nous les faisons circuler, mais jamais elles ne s’incarnent là où on les attend.

Foto: Jorge Nagore

ÉQUIPE

Numax-Fagor-Plus est une pièce de Roger Bernat avec une performeuse différente à chaque représentation. Ce spectacle s’est construit à partir du film Numax, présenta (1980) de Joaquim Jordà, avec la collaboration d’anciens travailleurs de Numax et de l’équipe de tournage du film. Il n’aurait pas non plus été possible sans la collaboration de la Plataforma de Asociaciados de Fagor, d’Ahots Kooperatibista et de Mondraberri.

La dramaturgie du spectacle est de Roberto Fratini, la recherche historique, de Pablo González Morandi. La programmation du dispositif de visualisation est de Matteo Sisti, la création de sons, de Cristóbal Saavedra Vial. Txalo Toloza est responsable de la direction technique et Helena Febrés assure la coordination de l’ensemble du projet. Ricard Terés a été l’assistant de production. Je tiens à remercier Jordi Colomer et Carolina Olivares de la confiance qu’ils nous ont accordée dès les premiers pas du projet, ainsi que Noe Laviana pour ses bons contacts.

La coproduction est d’Elèctrica Produccions, KunstenFestivalDesArts (Bruxelles) et Festival Grec (Barcelone). La version antérieure du spectacle était une coproduction du FRAC Basse Normandie (Caen) et de Temporada Alta (Gérone).

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ENGLISH:

History repeats itself. In 1979, the workers at Numax, the Spanish manufacturer of household appliances, learn that an experiment of collective self-management to save their business has failed. Aware of the defeat, they decide to capture their last days on film. In 2013, the cooperative Fagor, one of the largest manufacturers of household electronics in Europe, were forced to close their books. Roger Bernat invited the workers from Fagor to restage the last deliberations at Numax in the style of re-enactments of historical battles. An original presentation that revives a real moment of collective crisis through a collectivisation of the discourse. We have the last word.

 

History: Transitive tenses, by Pablo González Morandi 

NUMAX, 1979

Labour amnesty / Return of sacked workers / They stifled us, now we stifle them and they leave the workplace to us / Solidarity with the workers / Amnistia, llibertat, Estatut d’autonomia / For an outcome to the crisis that favours the workers / A people united will never be defeated / No to hiring and firing / Unionization, right to strike / No to the Moncloa pact / Up the workers

In this setting, the film-maker Joaquín Jordá created Numax presenta… (1979), a documentary covering the experiences of a group of workers over a period of two years, who collectively took over and ran the Numax domestic appliances factory in Barcelona. The documentary was made at the request of the Workers’ Assembly, which decided, almost as its final act, to invest the 700,000 pesetas remaining in the fighting fund in order to leave a record of the struggle in which all had taken part. Since the workers were also the producers, during the week of shooting they formed a censorship committee responsible for checking the filming. Jordà recalled that “Fortunately, as we were filming at night, they lay down very soon on the ground and fell asleep, and we roused them once we had finished.”

The final scene is a party, at which some of the workers explain their longings for the future: train to be a teacher, go to live in the country, never go back to being exploited by bosses, never enter direct employment again. These desires meant that the film was not well-received by unions and Labour parties, who considered it did not sufficiently exalt the workers’ struggle. Hence, the film lay forgotten for many years.

FAGOR, 2013

True democracy now / We are not merchandise in the hands of politicians and bankers / Stop dismissals / No, no, they do not represent us / Take to the streets / They call it democracy and it is no such thing / No hay pan para tanto chorizo / 600 euros a month is violence / No to wage cuts / Democracy 2.0 / Young people with no future, no home, no job, no fear / System error, reboot / We are not paying for this crisis

In this setting, on 13 November 2013, the Fagor domestic appliances factory came to an arrangement with creditors that put 1800 workers out of a job.  Founded in 1956, the Mondragón Corporación Cooperativa (MCC) is nowadays the biggest cooperative in the world, bringing together 110 co-operative businesses involved in many different sectors, and employing over 80,000 people.

The fall of Fagor, the flagship business of the MCC, caused a huge personal and social drama throughout the Mondragón valley. Talking to the workers, one gets the impression that they have woken up from a long dream, and are still in a state of shock. For many of them, closure of the plant represented not only the loss of their jobs, and the capital they had invested as cooperative members, but also the defeat of a social model in which they all firmly believed, as an alternative to the capitalist system. “There used to be ideas here, a spirit. Now we are just one more business, like McDonalds”, bemoaned a worker.

Currently, the hope of being re-employed in other companies of the MCC group has encouraged a certain individualism, which, together with a lack of any union tradition (as the worker-members own the business), seems to have disabled the protest.  Only a minority, very critical of the management, has maintained its action in defence of jobs.

PLUS

A gap of 35 years lies between these two experiences of struggle. Along the way, while the country was experiencing one of its best periods of economic growth, many things have changed. The factory as a place for political struggle has gone, hardly anyone dares to use the word proletariat in public, and workers’ symbols only retain their meaning for a few nostalgic souls.  In fact, the workers are not seen in the streets now, as the writer Pérez Andujar says, perhaps because they are hidden and disguised as consumers. Despite the radical alteration in the discourse, factories still exist, work on the assembly line is still work on the assembly line, and exploitation… yes, is still exploitation!

PRESS REVIEW

Puissant et fragile: Soudain les spectateurs-acteurs s’identifient réellement à leur rôle dans le drame ouvrier. On les voit réfléchir à leur responsabilité individuelle au sein du collectif. Et cela à deux niveaux: responsabilité dans l’histoire racontée et responsabilité en tant qu’interprète de cette histoire. Simplement en lisant les mots inscrits sur un écran. Cela révèle la force et la vulnérabilité d’un collectif, lui donne corps. On ne pourra plus dire que le théâtre n’est qu’illusion. Pieter T’Jonck, De Morgen (Belgique), 21.05.2014

Une sorte de karaoké théâtral et politique d’autant plus stimulant qu’il retraverse 30 ans d’histoire socialeRené Solis, Libération (France), 22.05.2014

l’expérience donne du grain à moudre quant aux questions de collectif et de dynamique de groupe en offrant une seconde vie aux paroles de lutte. Salomé Frémineur, Karoo. (http://karoo.me) 19.05.2014

Bernat, aparentment de manera ingènua (i amb el ganxo de les acotacions entre parèntesi que aporten comicitat a un tema aspre), planta moltes preguntes als seus oients/actors. La gent s’hi implica, entre divertit i militant. És una espurna, un crit en una època de tant soroll eixodador amorf. Jordi Bordes, el punt avui, 17.07.2014

Numax-Fagor-plus és el treball més reeixit de Roger Bernat des que va centrar la seva feina en el que podríem anomenar teatre sense actors o, per ser més precisos, un teatre on els intèrprets són els espectadors. Numax-Fagor-plus és un teatre-document d’agitació social (..) que té la virtut de qüestionar i esperonar-nos, sense renunciar a l’autocrítica. Santi Fondevila, Ara (Catalunya) 15.07.2014

(Un) espai desdibuixat que dóna peu a l’espectador a treure les seves pròpies conclusions, reflexions o simplement l’experiència divertida d’un espectacle diferent perquè aquí no es donen lliçons de res, gran encert del muntatge. Com si es tractés d’obtenir la refotografia perfecta, però no amb l’espai sinó amb els protagonistes. Teresa Ferré Notes d’escena, 16.07.2014

Més que un espectacle, Numax-Fagor-Plus és una experiència col·lectiva de teatre document. Aída Pallarès. nuvol.com 14.07.2014

Œuvrant sans cesse entre manipulation du public et mise en évidence de vérités latentes, Roger Bernat nous invite à une réflexion incarnée sur le capitalisme industriel et sur le rythme écrasant qu’impose ce dernier aux êtres humains qui en composent la base.(…) Mais n’est-ce pas là la vertu de cette pièce que d’obliger le spectateur à faire sien, au-delà de ces intérêts individuels, à l’un des problèmes majeur de notre société ? A savoir l’aspect prédateur d’un capitalisme industriel et financier qui laisse sur le carreau des ouvriers dont nous connaissons souvent mal la situation. Quentin Guisgand, http://inferno-magazine.com, 26.09.2014

The theatre: Ex Opere Operato, by Roberto Fratini 

Historical recreation ― Gettysburg, Waterloo and all the rest…― in some sense offers a democratized version of the plentiful panoramas and living tableaux that, in the 19th century,  helped the multitudes emerging from the industrial revolution to reflect their own unrest back onto these images. Since the motive of nineteenth century historicism lay in finding ways to make history an object of entertainment, it was inevitable that the only possible consummation of the consummatum est would be to update and reformulate it, and at the same time to ensure that a constantly widening public had the chance to identify itself within history.

It was no accident that the century of the living tableaux was also the golden age of figurative painting: offering the anonymous citizen the chance to appear in the artistic fiction of a historical event. 

It could be said that political silence, the inaction of the multitude still at some remove from the prospect of organising its own discourse and modulating its own voice, offers a sublimated reflection of pure action, of pure appearance and imagination, throwing itself into the effort to disguise the present with all the paraphernalia of the past: the past itself being converted into an inexhaustible source of trashy epic, participatory heroism and period horror. 

The great eternity of History is rewritten once more into the records of repeatability. After being paraded on review in the tableaux of the masses, history was no longer a teacher, it was a subject to be taught. It is not surprising that now, as then, the most misused model within historical re-enactment is the battle scene: no other subject is so far removed from any dialectic, so similar to the charisma of a pure action, a frenetic absence of speech; in no other subject is the multitude so active on the one hand, and so anonymous and expendable on the other; no other scene offers the same generous opportunities for bringing the ugly slaughter of military history into the present, through aesthetically appealing scenes of heroism. 

So now let us imagine a re-enactment whose definitive theme is a more explicit, political agenda of conflict, in that the action suggested may be organized, structured and decided through discourse. Discourse and dialectic meet, in public speaking, in the diametrically opposed fields of order or command, on the one hand, and on the other of an active and obedient silence.   As it applies to the protocols of the unionised labour struggle as action, dialectic itself manages to avoid the situation where the only synonym for action is armed conflict.  We would then be light-years ahead of this docile silence, this decorative passivity of the crowds in the historical painting.  That said, the main challenge for the struggling working class was always to develop a collective voice that was not at the same time anonymous or onomatopoeic. So the workers’ meeting becomes a linguistic and autodidactic reflection of the working condition; that is, the place where awareness of one’s own condition in turn allows “creation of conditions”. It could be said that this form of the discourse, based on a pragmatic solidarity, is already a re-enactment per se: no longer the charismatic modern presentation of a battle, won or lost, but the development, continuity and non-consummation of a battle that clearly never finished.

The workers’ struggle was able to discover, organise and lexicalise its voice in protocols, and at times in dialectic rituals so it could continually reinvent itself as new.  The dialectic truth arising from the urgency of the fight enlarged its potential for objectivity, its public common sense, its intemporality precisely in the moment when it renewed itself in an alien voice: a voice that gathered in its heritage and simply “bore it”, “delivered it”; whose strength lies not in provoking the text with a convincing interpretation that alone would ensure it was revitalized, but in underlining for the present that the words remain valid precisely because to say them was already, in due course, an act of separation, emancipation or  estrangement between body and speech, between contingency and generality. Or, perhaps better, a liturgy.

Long before early Christianity linked this work to cultic practice and its own particular conventions of gesture and word, the Ancient Greek word leiturgia meant any type of action that promoted public activities and benefit: a service that was specifically for the community and for which the citizens had to take responsibility according to a rota system. The tasks represented a need or benefit beyond the specific interest or identity of the person undertaking them.  Within the religio-cultic context, the liturgy, which is the re-presentation of a mystery, disregards entirely the identity or sincerity of the presider: the ministry is not invalidated even though the worst of pastors carries it out. The sacred gathering does not lose its worth even if all of its members are inveterate sinners. What is more, the ministry is only conceivable as the action of the mystery already accomplished, of salvation as already obtained and at the same time present in the operative or operational forms of gesture and word that tirelessly re-enact the scripture.

It may be an exaggeration to conceive of the workers’ struggle as a rewritten lay dialectic of a promised happiness or redemption that for centuries was objectified in the explicitly ceremonial forms of worship, and which now finds its own liturgy, its own public officium in the dialectic itself: the construction of a space of redemption and freedom in the immanent present and in a no longer transcendent future. It is undeniable that, in constructing the theatrical debate, it inherited a prerogative from the liturgy in the classical sense: the idea that the promise of a concrete future liberty only had meaning if freedom was already there, that is, if freedom were an accomplished fact for the worker’s consciousness; and the notion that, just as working class moral and political authority were based on moral ownership of the means of production and the operation that makes them productive, the place where potential freedom was experienced for itself, was realised as already effective, was in the operation of speech, the construction, the shared store of common freedom.

If it is possible for us to hope, through a new concept of re-enactment, that this past might be imagined as still present through the operation of the discourse, it is because it was in its time a future imagined as being already present through the medium of the same speech operation.

Re-enacting the workers’ meeting offers spectators the opportunity to study the speech and the speeches of those who, 25  years ago, were shaped by the debate in a meeting of workers which dialectically faced the dialectic puzzle of deciding if the practical expression of their emancipation could end up becoming a new form of oppression.  This act, already a complex act of re-cognition of the self, in which the worker suspected that he or she had been left with the voice, the language and the aspirations of the boss, was played back by the spectators themselves, invited to recognise themselves, that is to listen to words strange to them, incongruous in their remoteness in time and aesthetic, if possible measuring the persuasiveness of these words way beyond any “speaking out”. Collectivization of the means of production is converted to a collectivization of speech, all the stronger because the speakers are not in themselves persuasive, do not become what they say they are, and listen to themselves with no less perplexity than those who hear them. They are not lying or sincere when they speak: rather they speak the truth. And as normally happens in such cases, truth speaks by and for itself. The speech still belongs to everyone, but as speech, it is no-one’s property. All this radically rewrites the content of the re-enactment: repeating by/for others the work that others repeat by/for us, in the context of the claim made, we do not recall it. It is the word that recalls us to ourselves. 

 

The Project, by Roger Bernat

About a year ago, the artist Jordi Colomer suggested to me the idea of a piece for an exhibition he was holding at the Frac Basse Normandie, in Caen. At the time, I was writing a piece for a performer and audience, neither of which had previously met. It would be a historical re-enactment of the Numax meeting, in the style of such re-enactments. Unlike those of great battles, or the famous re-enactment of the Battle of Orgreave by Jeremy Deller, in this case instead of recreating the movements of the protagonists, their words were recreated. In reality, these formed the true action of the factory occupation, the sole act with political meaning, that we endeavoured to replay for the audience who were coming to see a performance.

Months later, the crisis that destroyed southern Europe once more brought us situations in factories throughout Spain just like those we had recreated in the museum. Workers thrown out by the system, who tried to take their fate in their own hands as those from Numax did.  In November 2013, closure of Fagor, a factory making domestic appliances like Numax, sent us to Mondragón to invite the men and women who had been dismissed to present a reenactment of Numax. The workforce accepted our call to hold an impromptu meeting that we captured on camera as Joaquim Jordà did in his time. Although it was the largest meeting held since the closure, only 80 of the 1800 workers dismissed 3 months earlier attended.

On our return to Barcelona, we decided to invite the former Numax workers to re-enact the meetings that they themselves held 35 years before, and to witness the Fagor workers’ meeting which we had just filmed. Some of the ex-Numax workers had died, others preferred to forget this period, or were simply too old or living too far away to accept the invitation. Nonetheless, the group was still very united, and in the end about twenty came.

With both groups of former workers, those from Fagor and those from Numax, the project opened up a treacherous abyss ahead of us. Not one of them could recognise him or herself in the words of their predecessor.  Those from Fagor did not recognise themselves in the words of the Numax workers. The latter did not recognise themselves in the words of the Fagor workers. Nor did they even recognise themselves in their own words from 35 years earlier.  Jordà’s film had made them heroes, they are the protagonists of a group of sculptures from a very unusual epic story, and it is very difficult to see oneself as a hero without being a little mad.  Nonetheless, all these words, those from Numax, those from the continuing conversation we had after the meeting with the former Numax workers, are still powerfully resonant today. They are flowing around, we are keeping up the flow, but they always find expression in unexpected places.

 

 TEAM

Numax-Fagor-plus is a play by Roger Bernat with a different performer in each show. The play is based on the film Numax, presenta(1980) by Joaquim Jordà, with the cooperation of the former Numax workers and of the film’s crew. The play also would not have been possible without the cooperation of the Platform for Partners of Fagor, Ahots Kooperatibista and Mondraberri.

The script was written by Roberto Fratini and Pablo González Morandi did the historical research. The data display software was programmed and designed by Matteo Sisti and the sound was designed by Cristóbal Saavedra Vial. Txalo Toloza was in charge of technical direction and Helena Febrés was responsible for coordinating the entire project. Ricard Terés was the production assistant. I would like to thank Jordi Colomer and Carolina Olivares for their trust in the early stages of the project, as well as Noe Laviana for her good contacts.

The play was produced by Elèctrica Produccions and co-produced KunstenFestivalDesArts (Brussels) and Festival Grec (Barcelona). An earlier version of the play was a co-production of FRAC Basse Normandie (Caen, France) and Temporada Alta (Girona, Spain).